Il n'y a rien d'extraordinaire à la chaleur de Valyria. Une chaleur sèche, étouffante, digne de ces cratères bouillonnants qui ont vu naître la plus grande civilisation de ce monde. Pourtant, la nuit où naquit Jaeganon Velaryon avait été particulièrement sèche, d'aucun prétendraient même plus tard qu'une fine couche de fumée s'était emparée de la capitale, comme si les effluves ardentes des Quatorze flammes avaient pris possession de ses rues. Fables que tout cela, d'autres criaient, mais le mythe était bien là. Jaeganon Velaryon avait vu le jour dans une modeste villa des alentours de Valyria. La famille Velaryon, originaire de Mhysa Faer, ayant délaissé leur plus confortable villa pour une demeure plus simple mais plus proche des lieux de pouvoirs. Quatrième fils de la famille, sans doute aurait-il du se consacrer à l'armée, un petit poste pour une petite famille.
Pourtant, à mesure qu'il devenait un homme, il apparaissait évident aux yeux de tous que Jaeganon ne serait pas un militaire. Il était maigre, d'aspect faiblard, mais surtout brillait dans ses yeux une lueur étrange, de ces lueurs qui laissent présager l'insubordination la plus totale aux mots des Hommes. Alors le jeune homme avait été voué aux Dieux, à la religion, son intelligence ne faisait plus de doutes et il était une aide appréciable pour redorer le blason du vieux Velaryon qui ne brillait guère par son esprit et encore moins ses mots. Jaeganon aurait pu être homme de politique, il en avait la maîtrise du verbe, mais la religion l'en avait éloigné et de lui-même, le jeune homme s'était rapproché de mages et cet esprit clair et articulé était devenu plus sombre, plus tortueux. Le mystère restait entier, encore aujourd'hui, mais tous savent que les expérimentations auxquelles il participa de nombreuses fois avaient changé son être.
Le bon mot voulait qu'il avait trouvé Arrax, expression qu'il corrigeait volontiers, écartant les bras en croix, un sourire béat sur les lèvres et toujours cette lueur au fond des pupilles : non, c'était Arrax qui l'avait trouvé. Il ne cherchait rien que lui-même au plus profond de l'obscurité, et il avait trouvé le feu divin. Ce feu l'animait il le savait. Il avait eu La Révélation, à l'image des premières révélations qui avait fait des Valyriens ce qu'ils étaient aujourd'hui ! Il refusait à présent d'honorer un autre dieu que LE Dieu, Arrax. Il portait sa voix, entendait sa voix et était en contact direct avec la divinité même selon la croyance populaire. Les plus sceptiques évidemment criaient à la folie, mais une tel aura se dégageait de cet homme que certains n'avaient guère besoin de preuves pour accepter l'idée qu'il pouvait être dans le vrai.
Jaeganon est donc devenu, avec les années, un meneur des foules. Chacun de ses discours devenant un véritable événement auprès du peuple, il est observé de loin, d'un oeil méfiant par une grande partie de la noblesse qui goûte fort peu de ces illuminations. Il n'empêche que l'homme est affable, et qu'il est rare de trouver une célébration où il ne se trouva pas. Les prêtres seraient-ils voués à un comportement différent de ceux des hommes ? Et pourquoi donc ! Il n'y a que la vie pour honorer Arrax, et tout comme le Grand Dieu avait pris pour épouse Syrax, déesse des fêtes, de l'abondance, ou de l'extase, Jaeganon se mêlait à ces événements avec assiduité. Attiré naturellement par les charmes masculins - et ne se privant guère pour donner libre court à son désir - il n'en oublie pas moins les femmes. Il aime à appeler ces dernières les filles de Syrax, et n'était-ce pas de son devoir, au nom de son Dieu et maître, d'honorer l'épouse de ce dernier ?
Nombreux sont ceux qui ricanent en s'amusant de ce libidineux excès, s'imaginait-il à présent que son corps était l'intermédiaire d'Arrax et qu'il bénissait ces jeunes gens par un simple passage dans son lit ? Il y avait sans doute de cela. Mais l'objectif de Jaeganon n'est pas de bénir le tout Valyria - quoique - mais de s'assurer que ses ouailles restent sur le bon chemin. Le seul chemin. Celui d'Arrax. Celui-ci doit primer sur tous les autres, car Arrax est le Premier parmi les Dieux. Il sait qu'il peut influencer le peuple aisément, mais comment atteindre ces riches et nobles familles que la religion n'attire que très peu ? Il les connaissait pour les voir lors de ces fameuses célébrations, il n'y avait que trois choses : la politique, l'argent, et le sexe. Voilà tout ce qu'ils connaissaient. Il faudrait donc les rejoindre sur leur terrain de jeu favori : le Sénat. Son père l'avait longuement imaginé en homme politique et là était la volonté d'Arrax, il le sentait.
Il était temps de remettre Dieu à sa place à Valyria : en son coeur.
HAEMERA BERENEON une cible de choix Le monde des prêtres n'est guère si grand, il est peu dire que Jaeganon y est reconnu entre tous. Certains le rejettent, d'autres l'admirent, certains encore n'osent avouer qu'il les fascine, mais il ne laisse personne indifférent. Il est également rare que Jaeganon ignore l'identité d'un des membres de cette communauté si particulière. Il n'a eu que peu d'opportunités de croiser le chemin d'Haemera Bereneon, mais il a perçu l'obscurité se nichant au coeur de cette frêle jeune femme. Il ne le répètera jamais suffisamment, Jaeganon porte la parole d'Arrax, il la reçoit, et c'est au travers de cette parole divine qu'il perçoit les autres. Il connait les liens d'Haemera avec certaines familles Valyriennes, et n'a pu qu'être fasciné par cette jeune femme qui pourrait être un rouage essentiel de sa stratégie. Jaeganon s'est mis en tête d'attirer Haemera à ses côtés, il mettra tout en oeuvre pour la convaincre de le rejoindre.